Pour s’émerveiller, tout commence par une histoire.

Fresque Murale, l’Ours.

Il y a d’abord eu le mur. Nu. Blanc comme l’attente.
Un mur comme un territoire vierge, un peu froid, presque méfiant. Mais prêt.
Et puis cette demande, timide et claire à la fois : faire entrer la forêt. Pas la dessiner. L’évoquer. Que l’esprit des arbres, des bêtes, du vent, habite doucement les lieux.

Alors j’ai écouté. Les silences du couple, leurs gestes, leurs regards vers cette pièce encore nue. J’ai entendu ce qu’ils n’avaient pas besoin de dire : ils voulaient plus qu’un décor. Une présence. Un souffle.

Le dessin est venu lentement. J’ai feuilleté la montagne, observé les lignes des sapins, l’épaisseur tranquille des pelages, les ombres qui glissent entre les rochers.
Et j’ai vu l’ours. Pas un ours de livre. Pas un ours de musée. Un être là. Calme. Droit. Comme s’il nous regardait vivre, sans juger, sans attendre. Juste là.

Alors le quadrillage s’est posé, discret, presque effacé d’avance, et j’ai commencé. Point après point. Un par un. 75 976 fois.
Ce n’est pas une performance. C’est un murmure.
Chaque point est une empreinte. Comme un pas au bord de la rivière fraîche. Un battement de cœur. Une respiration lente.

Il n’y avait pas de musique. Juste le bruit du pinceau. Parfois, le soupir du vent à travers une fenêtre entrouverte. Parfois, le bois du plancher qui craque doucement, comme pour rappeler que le monde continue de tourner pendant que je peins.
Le temps, lui, s’est dilaté. Les heures ne se comptaient plus. Il y avait les pauses. Le thé chaud. Les étirements silencieux. Et le regard, toujours, qui revenait vers l’ours en devenir.

Un jour — je ne sais plus lequel — son œil a pris vie. Ce n’était plus un dessin. C’était un être.

Et depuis, il veille. Sur cette maison. Sur ceux qui l’habitent. Il ne bouge pas, mais il est là. Présent, comme peut l’être une montagne, ou un souvenir qu’on n’explique pas.

On dit parfois que les fresques racontent des histoires. Mais celle-ci…elle les écoute.

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